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De la séduction à l'infraction : quizz indélicat

#MeNever. Voilà sans doute le hashtag que l’on ne lira jamais sur les réseaux sociaux, qui soulignerait le fait qu’une femme n’aurait jamais, dans sa vie, eu l’occasion de subir une quelconque agression du sexe opposé.

 

Et pourtant, si l’on devait déposer plainte à chaque fois que l’on se fait interpeller, à chaque goujaterie de fin de soirée, certaines pourraient probablement passer leur vie au commissariat.

 

Campagnes de dénonciations, création de nouvelle infraction visant à couvrir le harcèlement de rue, libération de la parole dans le cadre du travail, la demande est là, qui souligne l’insuffisance de réponse adaptées.

 

Et à ceux qui diront que « on n’a plus le droit de rien faire maintenant », un petit quizz en fin de billet pour tester vos connaissances.

 

« Je n’ose pas aller au commissariat »

 

Passer le pas est difficile. Parce qu’il faut attendre, parce qu’on a mille fois le temps de faire demi-tour, parce que les actes sont parfois minimisés, parce que ce n’est « qu’une dispute de couple », jusqu’à la prochaine qui vous laissera avec 30 jours d’ITT.

 

On a peur des conséquences, on ne veut pas attirer d’ennui avec la personne avec laquelle on vit, on se dit que finalement, tout cela n’est pas si grave et que les choses vont s’arranger.

 

Il existe mille mauvaises raisons de ne pas franchir le pas. Il existe mille façons de se faire aider : associations, professionnels, permanences téléphoniques.

 

« J’ai peur de me faire licencier »

 

De nombreux comportements sont tus, dans le milieu du travail, parce que l’on ne veut pas avoir d’ennuis, parce qu’on ne veut pas s’empêcher d’évoluer, parce qu’on ne veut pas être la première à partir en cas de difficultés.

 

Là encore, vous pouvez aller voir des représentants du personnel, vous pouvez vous faire conseiller avant d’engager une procédure.

 

 

 

« Je me suis faite injurier dans la rue, est-ce que je peux utiliser la nouvelle loi ? »

 

La loi sur les « violences sexistes et sexuelles » n’est pour l’instant qu’une annonce de projet de loi. Pour autant, elle est déjà qualifiée par certains de « fausse bonne idée ». Et pour cause, cette infraction, qui pourrait n’avoir qu’une portée symbolique, comme évoqué par la Garde des Sceaux ce jour, sera difficile à mettre en œuvre. Venir dénoncer des paroles ou des gestes déplacés, c’est se heurter à la preuve des faits rapportés et à la mise en place pratique des poursuites.

 

Pour autant, le dispositif législatif existe déjà :

 

  •     • l’injure publique
  •     •l’injure non-publique
  •     •l’exhibition sexuelle
  •     •le harcèlement sexuel
  •     •l’agression sexuelle
  •     •Les violence légères

 

 

« En fait, on ne peut plus draguer une fille dans la rue ?»

 

 

Société qui s’américanise, se puritanise, on ne s’autoriserait plus les rapports ambigus entre hommes et femmes, les sous-entendus, on ne pourrait plus approcher une femme sans risquer le procès-verbal.

 

On retourne le phénomène du #BalanceTonPorc et du #MeToo pour en faire une campagne de délation dangereuse.

 

Lorsque les femmes racontent leurs expériences malheureuses sans mentionner de nom, il ne s’agit pas de délation, il s’agit de témoignages qui soulignent qu’il est nettement plus facile de libérer sa parole par les réseaux sociaux que face à un officier de police judiciaire.

 

Il ne s’agit pas plus d’appeler à une société aseptisée, ou tout comportement de séduction serait interdit, où l’on oserait plus aborder une fille en soirée de peur de passer pour un dépravé dominant.

 

 

Est-ce que faire état de ses agressions passées sur les réseaux sociaux est la réponse adaptée aux comportements délictueux ?

 

Non, car rien ne remplacera des poursuites judiciaires, qui ne peuvent être engagées qu’en déposant plainte auprès d’un commissariat. Mais le phénomène révèle un effet de masse, au-delà des poursuites individuelles éventuelles. Il rappelle que l’on ose parfois pas déposer plainte à l’encontre de son concubin ou de son supérieur hiérarchique.

 

Est-ce que c’est de la délation ?

 

Le code pénal ne connaît que la dénonciation, et la dénonciation ne connaît que les autorités publiques. Si l’accusation est portée à l’encontre d’une personne dénommée ou identifiable, elle a probablement plus sa place dans un commissariat. Si elle ne fait que rapporter des faits, aucun risque.

 

Si la dénonciation vise une personne, et qu’elle n’est appuyée d’aucune poursuite, elle peut relever de la diffamation et se retourner contre la victime des faits allégués.

 

Mais, de fait, le mouvement qui s’est emparé des réseaux sociaux ne vise qu’un but, qui dépasse les agresseurs évoqués : relater un phénomène sociologique, qui appelle à la réponse éducative plus que judiciaire.

 

 

Test : drague ou harcèlement ?

 

Quand on n’a pas d’argument, ou quand on ne comprend pas, on simplifie le débat. C’est le stratagème n° 13, vous dirait Schopenhauer . C’est la faute aux 140 caractères, vous dira Twitter.

Le débat initié par #BalanceTonPorc relèverait du puritanisme.

Allons bon, ma bonne dame, on est en France, et une petite main aux fesses n’a jamais fait de mal à personne. Alors que la main au séant n’est pas le problème, le problème, c’est le consentement, tout simplement.

 

C’est un peu comme le rapport entre humour et incitation à la haine.

Si vous allez trop loin, le public vous le fera sentir, et au-delà de la commission potentielle d’une infraction, la meilleure sanction, ce sera celle des spectateurs.

 

On retrouve le même rapport entre séduction et agression sexuelle.

Si vous allez trop loin, elle vous le fera sentir, et au-delà du risque pénal, la meilleure sanction, ce sera le râteau, ou la gifle.

 

 

Un humoriste américain avait très justement trouvé l’analogie : ne dites / faites pas à une femme ce que vous ne voudriez pas qu’un co-détenu vous dise / fasse en détention.

 

 

Le quizz suivant vous démontrera qu’en réalité, vous connaissez très bien la limite :

 

  1. Je vois une jolie fille dans la rue. Ni une ni deux, je souligne la délicatesse de ses formes : « T’as un méchant boule tu suces ? allez fais pas ta salope ! »

 

  1. cet homme fait la cour à une gente demoiselle, ni plus ni moins
  2. c’est un goujat
  3. ce sont des violences volontaires doublées d’injures potentiellement publiques

 

2. Je vois une jolie fille dans la rue. Ni une ni deux je m’enquiers de son numéro :

« Bonjour, vous êtes très jolie, est-ce que vous auriez du temps pour aller prendre un verre ? »

 

  1. cet homme fait une tentative d’approche 1.0
  2. on ne me parle pas dans la rue et puis c’est tout

c) ce sont des violences volontaires

 

-> On peut encore, et évidemment, aborder une fille dans la rue sans finir au commissariat. Toute est une question d’y mettre les formes. En fait, ce n’est pas très compliqué, si elle semble offensée, c’est que vous vous y êtes au mieux mal pris, au pire que vous êtes un rustre qui risque un an d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.

 

3. Dans l’ascenseur de ma boite, je tombe régulièrement sur Sandrine, de la compta. Je ne manque jamais de me rapprocher d’elle et lui dire que ce petit top la met particulièrement en valeur

 

  1. cet ascenseur est décidément bien trop petit
  2. aucun doute, Sandrine va finir par céder à ses avances, la drague à l’usure, ça marche à tous les coups
  3. ce sont des attouchements sexuels, et potentiellement du harcèlement entre salariés

 

4. Au pot de départ de Jean-Michel, je sers Sandrine, la jolie blonde de la compta. Je lui dis qu’elle a une très jolie robe.

 

  1. ne jamais louper une occasion de draguer aux pots de départ. Robert a toutes ses chances.
  2. Sandrine est mariée. C’est de l’incitation à l’infidélité.
  3. C’est du harcèlement

 

On peut encore draguer au travail, et c’est heureux, car il reste un lieu privilégié pour rencontrer son ou sa promise. Un conseil ? séparer vie professionnelle et vie privée. Si elle semble offensée ou embarrassée, c’est probablement que vous êtes allé trop loin.

 

5. En boite, un type aviné danse collé-serré avec une jeune fille qui le repousse quand il tente de l’embrasser et fait un scandale quand sa main passe s’aventure un peu trop loin

 

  1. en même temps, avec une jupe pareille, elle l’avait un peu cherché
  2. elle était d’accord pour danser, pas pour s’aventurer dans un coït sur le dancefloor, ce sont des attouchements sexuels
  3. de toutes façons il était ivre, ça ne compte pas

 

6. En boite, un couple danse collé-serré. Quand il tente de la prendre par les hanches elle refuse.

 

  1. on n’arrive jamais à ses fins après 5H du matin et les lacs du Connemara.
  2. Ne laisse PAS tes mains sur mes hanches
  3. toutes des salopes.

 

Le cas d’école, le temple de la fameuse zone grise, la soirée.

En fait, c’est assez simple : est-elle d’accord, ou pas?

 

 

7. Dans le métro, Didier remarque une fille qui ne lui semble pas farouche. Il se rapproche et se colle contre elle, elle lui écrase le pied. Ca fait mal, alors bon, juste retour des choses, il la traite de sale pute.

 

  1. On voit que vous n’avez jamais pris la ligne 1 à une heure de pointe. Et on voit que vous n’avez jamais pris un talon de 12 cm sur l’orteil.
  2. C’est une agression sexuelle, doublée d’une injure.
  3. Elle n’avait qu’à changer de rame, c’était quand même pas compliqué.

 

8. Dans le métro, Didier remarque un jeune homme qui ne lui semble pas farouche. Il se rapproche et se colle contre lui, il lui met un droite. Ca fait mal alors bon, juste retour des choses, il le traite de connard.

 

  1. Il pouvait pas deviner qu’il était hétéro, aussi, on peut bien essayer 
  2. C’est une agression sexuelle, doublée d’une injure
  3. C’est une agression sexuelle, doublée d’une injure et d’un œil au beurre noir, Didier n’y reviendra pas de si tôt. 

 

Dans le métro, vous ne toucheriez déjà pas la barre métallique, alors vous pensez vraiment que quiconque aurait envie de se coller à vous à une heure de pointe ?

 

 

9. Je suis producteur télé. Je propose à une jeune comédienne de discuter d’une nouvelle chronique dans mon émission phare à l’hôtel. Ca tombe bien, j’y ai une chambre.

 

  1. oh hé, c’est le Bristol, elle va quand même pas faire sa farouche, elle la veut sa chronique ? ça fait partie du jeu.
  2. Elle est quand même très jolie, et puis bon, le physique c’est important à la télévision, on peut le comprendre.
  3. C’est du harcèlement.

 

10. Je suis réalisateur, et je tombe fou amoureux de la comédienne principale de mon nouveau film. Je lui propose de dîner un soir.

 

  1. oh hé, c’est le Bristol, elle va quand même pas faire sa farouche, elle le veut son rôle principal ?
  2. C’est du harcèlement.
  3. Je suis un réalisateur qui tombe amoureux de sa comédienne et qui l’invite à dîner, libre à elle de refuser ou non. Elle s’appelleront Kate Capshaw ou Helena Bonham Carter et elles formeront avec leur réalisateur de mari des couples phares. 

 

Oui, on peut encore draguer dans le milieu du cinéma.

Mais si votre seule façon de réussir à amadouer vos conquêtes, c’est de le conditionner à l’obtention d’un rôle, voire de les forcer à avoir des rapports sous la menace de les débarquer du projet, on espère que vous serez meilleur réalisateur que séducteur, et surtout que vous avez un bon avocat, parce que vous risquez gros.

 

 

 

Collectif féministe contre le viol - 0 800 05 95 95 - https://cfcv.asso.fr

Violences Femmes Info - 39 19

Planning familial - https://www.planning-familial.org